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24.07.2007

Droit dans le mur

C'est le nom de l'exposition de Saïd Fortas, photographe dont j'ai croisé le chemin... en Bretagne !
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Cette belle rencontre n'était pas due au hasard ! Elle avait été préméditée par Katell Sadivan Breton, l'une des "bonnes fées" organisatrices du Prix Ados Rennes et Ille-et-Vilaine pour lequel mon petit Soliman était nominé !
> Pour en savoir davantage, cliquez sur l'image.

23.07.2007

- Allô, Soliman ? (suite)

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Voici, comme promis, des extraits de la lettre destinée à Soliman, dont j'ai parlé dans ma note précédente...

 

Cher Soliman,

je m'appelle M. J'ai 30 ans, je suis française d'origine antillaise. Je suis née aux Antilles mais j'ai grandi à Paris, d'où je t'écris.

J'écris car je viens de finir de lire ton journal, qui m'a vraiment bouleversée. Sache que je suis très peinée de lire ce que tu vis, toi, ta famille et ton peuple, depuis trop longtemps déjà. (...)

Avant de venir en Israël, je ne savais pas ce qu'était un pays en guerre. Mais j'ai pu m'en rendre compte dès mon arrivée à l'aéroport de Tel-Aviv, où j'ai été retenue plus de cinq heures sans savoir pourquoi. J'ai subi interrogatoires sur interrogatoires. Je me suis mise à pleurer, car j'avais la peur au ventre. C'était la première fois que je quittais mon pays et jamais je n'avais vécu une telle expérience ! Dès lors, j'ai réalisé où je mettais les pieds.

Mais moi, je n'ai vécu cela que cinq heures de ma vie. Ton peuple et toi le vivez chaque jour. Sache, Soliman, que je ne veux pas prendre parti dans ce conflit. Mais cela me fait mal de voir tant de souffrance dans le monde et cela me touche d'autant plus que je suis chrétienne. Si je t'écris, c'est pour te dire que tu n'es pas seul face à tes souffrances. Moi, je suis avec toi. Nous tous, Chrétiens, nous prions pour la paix dans le monde entier.

Sache Soliman que Dieu est avec toi. Ouvre ton coeur à Dieu. Parle-lui, confie-toi à lui comme tu le fis autrefois dans ton journal. Parle-lui comme tu parles à ton meilleur ami. Parle-lui comme tu pourrais parler à ton grand frère Chéri, que tu ne vois pas mais dont tu peux sentir la présence. Dieu est là, il t'écoute. Et rien n'est impossible à Dieu. Il t'aime comme il aime chacun d'entre nous. (...)

Je voudrais te donner ma foi, ce trésor que j'ai reçu un jour de ma vie où tout me semblait perdu et désespéré... Que Dieu te bénisse et te garde toi, ta maman, Yaya, Lili, Nora, Samy, Nabila et tous les autres.

À toi mon petit frère,

M.

 

Lors de notre conversation téléphonique, je n'avais pas caché à mon interlocutrice que j'étais profondément athée... Sa seconde lettre s'adresse à moi.

 

Chère Véronique,

je suis très contente, finalement, d'avoir pu parler à mon petit frère - ou plutôt, ma petite soeur (rire) !!! Encore une fois, je vous le dis, je suis très touchée par l'histoire de Soliman et je m'étais peut-être même un petit peu attachée à lui et sa famille. Ce livre m'a ouvert les yeux et le coeur sur le monde. Je ne sais pas encore ce que sera demain, mais ce dont je suis sûre, c'est que je veux être au service des autres. Je veux donner ma vie à Dieu.

Merci, Véronique. Que Dieu vous bénisse et vous garde, vous et votre famille. Et que ce don que Dieu vous a donné d'écrire puisse toucher le coeur du monde entier.

M. 

e5518c385409770c3dc294177c1e1f18.jpgChère mademoiselle M.,

vous lire m'a beaucoup "remuée". Comme je vous l'ai dit, je ne crois pas en Dieu. Cependant j'admire votre foi - ou plutôt, votre espoir de faire partager aux autres la joie et la force que vous y puisez personnellement. Les mots, si généreux, par lesquels vous terminez votre lettre m'ont très sincèrement touchée. J'ai compris que nos deux espérances - l'une chrétienne, l'autre humaniste et athée - sont sœurs... "jumelles de cœurs" écrirait Soliman-!

Je vous souhaite une vie lumineuse et utile aux autres, comme vous y aspirez vous-même. Et vous embrasse fort,

Véronique


PS : Soliman vous salue chaleureusement, lui aussi !

19.07.2007

- Allô, Soliman ?

L'année dernière - c'était à la fin du printemps, je crois - je reçus un appel téléphonique assez surprenant. Au bout du fil, une jeune Française, chrétienne, qui rentrait tout juste d'un pèlerinage en Terre Sainte et avait lu mon roman Soliman le Pacifique (Journal d'un enfant dans l'Intifada), souhaitait que je la mette en contact au plus vite avec le jeune Soliman, "l'auteur" du journal qui l'avait émue.
- Pouvez-vous me donner son adresse ? me demanda-t-elle. Je voudrais lui écrire !
Je dus rester muette un instant, ni tout-à-fait sûre de bien comprendre, ni tout-à-fait sûre de savoir comment lui répondre. C'est presque un peu honteuse que je finis par lui "avouer" la vérité.
- Soliman n'existe pas. C'est un personnage de fiction. Et son journal, c'est moi qui l'ai écrit.
Ce fut à son tour de se taire, déçue sans doute et peut-être gênée de sa méprise. Aussi la rassurai-je...
- Mais vous savez, le reporter qui a écrit la préface du roman m'a dit qu'il en avait rencontrés beaucoup, là-bas, des petits Soliman... portant les mêmes espoirs, exactement.
Alors, elle me raconta son voyage et ce qui lui avait donné envie de m'appeler. À la fin de son récit, je lui proposai de m'écrire.
- Soliman est un peu mon enfant. Je l'aime, le porte en moi. Écrivez-lui, écrivez-moi.
Ce qu'elle fit volontiers, joignant à son courrier de belles photographies...
Du fond du coeur, merci à vous, mademoiselle M.!
  
PS : Bientôt des extraits de la lettre adressée à Soliman...

11.05.2006

Soliman en Suisse

Petite fierté. Sur le portail officiel de l'éducation suisse, Soliman le Pacifique est à l'honneur. Juste entre Le chat de Tigali de Didier Daeninckx et  Persépolis de Marjane Satrapi ! Référencé aux mots-clés "droits humains", "éducation à la paix" et "racisme et exlusion", il est proposé à l'étude en cours d'histoire, de français et d'éducation à la citoyenneté. En voici la présentation :

 

Ce livre permet de découvrir la vie quotidienne du peuple palestinien. Une brève présentation rappelle le contexte historique et les conditions de la création de l'état d'Israël en 1948 puis la difficile recherche d'un processus de paix viable depuis 1993.
Ce que Soliman raconte, c'est l'absence d'espoir, la rencontre impossible entre deux communautés pourtant proches l'une de l'autre, l'alternative entre haine et colère. Le héros prend le parti d'exprimer sa rage en jetant des mots sur des pages plutôt que des cailloux sur les hommes.

 

Par ailleurs, ce livre fait partie du kit DIGNO, une malette de livres de littérature jeunesse avec dossier pédagogique, destinée à aider les établissements scolaires à monter des projets de sensibilisation des élèves au racisme et à la discrimination. Pour plus d'informations, cliquez ci-dessous.

 

Digno – Neuf livres pour aborder la discrimination

 

 

21.03.2006

À la moulinette de Proust

Le  23  février  dernier,  je rencontrais deux classes de collège à Maurepas, dans les Yvelines. Les élèves avaient lu Lettres à une disparue et préparé de grands panneaux, disposés dans la documentation. Dessus, entre autres choses, des affiches entières de questions, dont certaines empruntées au fameux "questionnaire de Proust".

À la vue de celles-ci, soudain, j'ai senti remonter en moi une vieille angoisse oubliée, l'angoisse de l'interro surprise ! L'éternelle collégienne cachée tant bien que mal sous mon masque d'adulte fut aussitôt tentée d'implorer l'indulgence - voire la pitié - de ses examinateurs. Au secours ! Je n'ai pas révisé, moi ! Je ne sais pas quel est mon principal défaut - j'en ai trop ! Ni comment j'aimerais mourir. Et si la couleur que je préfère est tantôt le rouge, tantôt le noir, je n'ai pas fait mienne la moindre petite devise... La honte intégrale !

Prenant sur moi, tentant vaguement de réajuster mon masque, j'ai tout de même essayé de répondre, le plus honnêtement possible. Voyant que peu à peu je rentrais dans le jeu, de nouvelles questions se mirent à fuser... Et mes réponses aussi ! Finalement, l'échange eut du rythme et il fallut l'interrompre pour passer à la suite.

Ainsi me suis-je entendu dire que ma fleur préférée demeure la pivoine - ce qui n'a rien d'étonnant pour une grande timide rougissant à tout bout de champ ! - et que j'aimerais mourrir tout en le sachant, le temps de dire adieu à ceux que j'aime...

 

De Proust à Frankenthal

À la question "Quel est votre héros dans la vie réelle ?" j'ai un peu hésité, cherché dans le passé... Puis, tout à coup, j'ai pensé à un homme dont je venais tout juste de découvrir l'existence, grâce à l'association Shalom Arshav (La Paix Maintenant). Cet homme s'appelle Itzhak Frankenthal. Il est israélien, juif orthodoxe et en 1994, il a perdu son fils Arik, assassiné par des militants du Hamas. Face à ce drame personnel, inscrit dans un drame évidemment bien plus grand, cet homme a réagi d'une manière extraordinaire : "Je n’ai pas voulu devenir un autre de ces parents endeuillés qui ont perdu un enfant et qui soutiennent cette même politique qui a causé sa mort. Je n’ai pas voulu cela."

Aussi a-t-il liquidé sa société et utilisé les fonds pour créer une association de parents endeuillés - palestiniens et israéliens - vouée à la réconciliation entre les deux peuples. Les parents se sont rencontrés, ont pleuré ensemble, puis sont allés porter le message de l’acceptation mutuelle dans les écoles et dans d’autres institutions, en Israël, mais aussi à Gaza et en Cisjordanie. Ces actions conduisent Itzhak Frankenthal à rencontrer des Palestiniens de tous horizons, y compris de nombreux militants du Hamas. L'échange n'est pas toujours facile, bien sûr : "Certains de ces gars-là hurlent avec une telle colère... Ils n’ont pas l’occasion d’exprimer leurs émotions à un Israélien. Mais la colère, c’est si proche d’une douleur insupportable que souvent, ils hurlent jusqu’à ce qu’ils s’effondrent en larmes."

Ces paroles m'ont beaucoup touchée. Comment ne pas les rapprocher de ce que j'ai écrit dans Soliman le Pacifique (Journal d'un enfant dans l'Intifada) ? Nora, la grande soeur de Soliman, comme lui pacifiste, se désespère. Puis Rouslan, l'ami de toujours, lui répond...

-

"(...) Nous, on voudrait que ça change. Mais on ne sait pas comment faire ! Tous les autres, ceux qui veulent la guerre, la vraie, hurlent plus fort que nous. La paix, la fraternité, toutes ces idées généreuses ont l'air tellement utopiques face aux cris de vengeance...

- Parce qu'elles demandent aux hommes des trésors de sagesse, a dit Rouslan. Pour faire la paix, il faut essayer de comprendre l'autre. Il faut donc l'écouter. Et cesser de crier... Mais cesser d'avoir mal ne se décide pas. Or, nous avons mal. À notre identité, notre histoire, notre terre. C'est pourquoi nous crions..."

-

Aujourd’hui, Frankenthal s’est engagé dans un nouveau projet, l’Insititut Arik (http://www.arikpeace.org/Eng/), grâce auquel il veut faire comprendre à ses compatriotes que "les Palestiniens réagissent aux souffrances que leur inflige l’occupation. Une fois l’occupation terminée, les deux peuples seront en mesure de vivre côte à côte, dans la coexistence et la stabilité". Pour les convaincre, il consacre aujourd’hui sa vie à encourager les Palestiniens à envoyer ce message. Seuls les Palestiniens, pense-t-il, peuvent faire comprendre aux Israéliens qu’ils ne sont pas une espèce à part, qu’ils ne sont ni intrinsèquement violents ni emplis de haine, mais des gens comme eux.

Son histoire personnelle lui donne la légitimité nécessaire pour porter ce message. "Mon fils, Arik, est né dans une démocratie. Il avait une chance de connaître une vie normale, tranquille. Il adorait sa vie, et pensait par ailleurs qu’il fallait que nous parvenions à faire la paix avec les Palestiniens, sans quoi nous ne survivrions pas. L’assassin d’Arik est né dans une occupation terrible, subissant humiliation après humiliation, une sorte de chaos éthique ; Si mon fils était né à sa place, il aurait pu finir par faire la même chose. Que tous ceux qui sont sûrs de leur bon droit, qui parlent de la cruauté des meurtriers palestiniens, se regardent bien dans le miroir."

Ces mots-là aussi font écho à Soliman, qui s'interroge :

-

Pourquoi notre histoire n'émeut-elle personne ? (...)

Aucun homme, sur la terre, ne peut accepter cela sans colère. Subir et se taire.

(...) Nos grands-parents ont été chassés de chez eux, nos parents se sont révoltés en vain. Maintenant viennent les enfants... et même en nous élevant loin des sentiments de haine, de vengeance, on ne peut empêcher la colère d'être là. De germer dans les coeurs. De couleur dans les veines. On peut mettre en garde contre elle, on ne peut pas faire qu'elle n'existe pas.

Souvent, je me demande si je penserais pareil si je n'étais pas palestinien.

C'est drôle à dire, ou plutôt, c'est étrange... parfois j'essaie d'imaginer que je suis juif et que je vis en Israël. Eprouverais-je alors la même compassion ? Notre douleur me révolterait-elle autant ?

Tout au fond de mon coeur, dans mon for intérieur - et je le jure sur la tête de ma Yaya - je suis sûr et certain que oui.

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Sans doute comprenez-vous pourquoi l'engagement d'Itzhak Frankenthal me touche... Si cette question vous intéresse aussi, je vous invite à lire l'article passionnant qui concerne son action sur le site de Shalom Arshav.

Quant à Proust, si vous voulez connaître ses propres réponses au fameux questionnaire, il faut aller ici. Vous y verrez que lui non plus n'avait pas de devise... Ouf ! Merci, Marcel !