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13.01.2009

Cher Journal,

C'est la nuit noire. Je me relève pour écrire. Plus fort que moi. Je ne peux pas dormir. Je guette tous les bruits. Dedans, dehors. Je ne sais pas pourquoi. Comme si j'y étais obligé. Pourtant, personne  ici ne dort, j'en suis sur.
Yaya ?
Je jurerais que non.
Un jour, elle a dit qu'avec l'âge on perdait le sommeil.
On vieillit vite, ici...
Rouslan, lui non plus, ne dort pas. Il se tient assis devant sa fenêtre. Au dessus de ma chambre. Je l'entends qui bouge de temps en temps. Il se tue les yeux à lire ou à écrire.
Comme moi...
Ah, la belle armée que voilà ! Tremblez, soldats ! Sur vos chars, dans vos hélicoptères ! Tremblez devant les glorieux insomniaques ! Voyez ces braves fantassins, comme ils manient bien le stylo ! Admirez-les, qui versent du sang d'encre plein leurs champs de bataille en papier quadrillé !
Qui dort en ce moment ? Qui peut dormir encore ? La peur, la haine et le malheur au ventre. Qui peut accomplir ce prodige ? S'abandonner, confiant, dans les bras du sommeil...
Un fou ? Un sage ? Un innocent qui ne sait rien, ni de la vie, ni de la mort. Un enfant, peut-être ? Un nouveau-né, alors. Le bébé d'Assia en sait déjà trop. Il tète la révolte au sein d'Assia et sent les bombes frôler son berceau. Trop tard ! Le voilà sur la liste des abonnés aux cauchemars...
Et mes soeurs, dorment-elle ?
Je ne sais pas. Nous ne parlons pas de cela. Nous ne parlons pas non plus d'autre chose. Nous ne nous parlons presque plus.
Le désespoir, la peur et la colère, ça pèse lourd dans nos poitrines.
Ça les écrase, les mots.
Ça les étrangle...
Pauvres mots ! Ils sont à notre image, sans force et désarmés. Ils restent là, tapis dans le noir de nos coeurs, comme de petits animaux traqués.
Parfois, ils s'impatientent, palpitant de l'envie de dire ce qu'ils savent de nous. Mais il ne peuvent plus s'échapper de nos bouches. Ils essaient quelquefois, n'y arrivent jamais. Ne parviennent plus à se hisser jusque-là...
Heureusement, tu es là, cher Journal.
Dès que je t'ouvre, les mots reviennent. Me coulent du coeur à la main. Je me demande ce qui leur donne ce courage.
Le silence, peut-être...
Car user de la voix, c'est risquer de crier d'effroi.

Extrait de Soliman le Pacifique (Journal d'un enfant dans l'Intifada)


Ayant lu ces quelques lignes, peut-être comprendrez-vous mieux pourquoi j'ai tant de mal à célébrer l'année qui vient, à vous faire partager rêves et projets "comme si de rien n'était"...
Je pense aux cousins de Samy, à tous les petits Soliman, qui (sur)vivent (?) à Gaza. Et mon coeur tremble avec les leurs, tétanisé par la fatigue de toujours espérer en vain. Par la tristesse, immense. Et ce sentiment poison d'impuissance.
Désolée de plomber l'ambiance...

Ça les écrase, les mots.
Ça les étrangle...

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(La Paix Maintenant)


> À suivre, Gaza Sderot Blog (via Arte.tv) et toujours les sites de Shalom Arshav et de la CCIPPP.

Commentaires

D'arrêter le temps et les mots pour saluer cette souffrance est un geste de reconnaissance. Reconnaître. Constater. Réaliser.

Un moment plus tard, je fais venir la reconnaissance, l'autre, et je lui ouvre la porte qu'elle entre. La reconnaissance de ce que nous avons, nous, ici, en nos terres. La paix. Le silence des grands espaces, l'amour, et le ventre plein.

Et je lui offre à cet enfant et à tous les autres, la reconnaissance que j'éprouve vis à vis de tout ce que je possède.

Écrit par : Venise | 15.01.2009

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