25.01.2007
Courriels et courrier
Jeune enseignante de français dans un collège de la banlieue parisienne, j'envisage de lire votre magnifique et touchant Lettres à une disparue à mes élèves dans le cadre de ma séquence sur l'épistolaire (programme de 4ème). Il s'agirait de lire une lettre au tout début de chaque séance, sans même en faire une analyse méthodique, juste pour le plaisir... Je n'ai jamais testé ce procédé mais mes 29 ados adorent que je leur fasse la lecture des textes que l'on étudie en classe.
J'en viens maintenant à ma petite demande : pourriez-vous leur adresser un petit mot d'entrée en matière, une sorte d'invitation à se plonger dans cette lecture collective, qui deviendra je le souhaite une expérience forte et émouvante dont ils se souviendront. En vous remerciant par avance et vous félicitant pour l'ensemble de vos ouvrages,
Sandrine N., professeure de lettres.
Alors, j'ai écrit ceci :
Chers (futurs) lecteurs,ou chers auditeurs - peu importe !par la voix de votre professeure, vous entendez la mienne. Et par la mienne, vous entendrez bientôt celle de Melina... qui écrit des lettres à sa fille, "disparue" dans la terreur muette d'une dictature.Vous verrez, je n'ai pas situé mon roman, ni dans le temps ni dans l'espace : on ne sait donc jamais ni où ni quand se déroule l'histoire. Parfois, c'est vrai, cela trouble un peu le lecteur. Mais si j'ai fait ce choix, c'est pour une raison précise, et simple. Je ne voulais pas qu'à la lecture de mon texte, on puisse penser : "Voilà les horreurs qui ont eu lieu en Argentine dans les années 70. Heureusement, maintenant c'est une affaire classée !"Car non, hélas, tout cela n'est pas fini. En Argentine, oui. Et au Chili aussi. Tant mieux, bien sûr... même si justice n'a pas été rendue aux "disparus" et à leurs proches - comme vous le comprendrez à la fin du roman. Ailleurs, plus récemment, d'autres "disparitions" se sont produites. En Algérie, au Kosovo ou en Irak.Quand vous entendrez Melina, pensez aussi à tous ces gens, qui vivent sur la même Terre que nous, à quelques heures d'avion d'ici. Dans leurs poitrines, ils ont un coeur semblable au nôtre, qui bat de la même envie de vivre que nous. Et pourtant...Mais, n'est-ce pas rassurant de savoir que l'on forme, vous et moi, tous ensemble, sans nous connaître, une sorte de chaîne humaine qui gardera la mémoire de ces "disparus" ?N'est-ce pas rassurant de savoir qu'il y a des cœurs, ailleurs, pour écouter le cri qui s'échappe du vôtre ? Des cœurs ouverts, amis ou frères, pour partager la douleur et la consoler. Se souvenir, se soulever, rêver de justice et de paix...Aussi, je vous l'écris comme je le pense : je suis fière, aujourd'hui, de me trouver à vos côtés... par la magie de la littérature ! (Et grâce à votre professeure.)Bonne lecture à vous - ou plutôt, bonne écoute !Avec mes pensées les plus fraternelles,Véronique Massenot.
Mille mercis pour ce joli message !
Le hasard a voulu que je lise la 1ère lettre lundi dernier, au lendemain de la mort de Pinochet. (...)
Certains de mes élèves ignoraient l'idée même de dictature. Ma séquence sur l'épistolaire a ainsi pris une direction particulière : à ce jour, nous avons étudié Le déserteur de Boris Vian, les lettres insérées dans L'enfant multiple d'Andrée Chédid, des lettres authentiques d'Algériens publiées dans Le Monde en 1997 témoignant des atrocités de la guerre.
Merci, réunies par votre oeuvre, nous sommes plus fortes pour faire de ces jeunes adolescents de futurs citoyens responsables et sensibles.
Bonjour à vouset merci de m'avoir ainsi tenue au courant.En effet, le hasard de l'actualité a "bien" fait les choses...Et je suis très heureuse de m'être trouvée, grâce à vous, en compagnie de Boris Vian, qui est l'un de mes auteurs préférés. J'espère que vos élèves ont été sensibles à tout cela...J'en profite pour vous souhaiter de bonnes fêtes !Bien à vous,Véronique.
Chère Véronique,curieusement, notre lecture de Lettres à une disparue s'est ouverte sur la mort d'Augusto Pinochet et s'est achevée, aujourd'hui, sur celle de Saparmourat Niyazov. Cet ancrage dans la réalité a renforcé, je pense, la puissance de votre démarche, celle d'avoir écrit pour les jeunes un roman pacifiste, engagé et poignant que j'ai eu beaucoup plaisir à transmettre à mes élèves tout en les guidant dans cette découverte d'un monde qu'ils ignoraient.C'est ainsi que vous, auteure, et moi, professeure, avons oeuvré pour la paix et de respect de l'Homme en touchant les âmes et les coeurs de ces vingt-neuf futurs citoyens.Pour vous remercier, voici les lettres de mes élèves, ni retouchées, ni guidées, afin de leur laisser toute leur spontanéité...En vous souhaitant de très belles fêtes,Sandrine.
10:45 Publié dans Le courrier des lecteurs, Lettres à une disparue | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature jeunesse, collège, dictature
Commentaires
Tout cela est super interressant - merci de le partager avec nous !
Écrit par : Nicole | 28.01.2007
Que de partages !!!!!!
Pourriez-vous m'indiquer les dates de diffusion ou le titre des émissions de Daniel Mermet qui vous ont inspirée pour cet ouvrage ? Merci.
Écrit par : Valérie | 11.09.2007
Bonjour Valérie,
la série d'émissions à l'origine de mon envie d'écrire "Lettres à une disparue" a été diffusée, si je ne me trompe pas, en janvier 1996.
Je ne crois pas - hélas ! - qu'elles soient disponibles à l'écoute, même sur le site "la-bas.org" (en lien dans la colonne de droite) dont les archives ne remontent qu'à 2001. Cependant, je crois en avoir gardé un enregistrement sur une cassette...
Par ailleurs, peut-être en trouve-t-on un écho dans le livres de Daniel Mermet, que j'ai aussi quelque part dans ma bibliothèque. Je vais chercher - à suivre, donc...
PS : Merci de votre visite ! Puis-je vous demander ce qui vous a menée jusqu'ici ?
Écrit par : Véronique | 12.09.2007
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